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D - Le Croissant marchois, domaine linguistique

L’aire linguistique du marchois forme un arc appelé le Croissant, allant de la région de Saint Claud (Charente) jusque dans l’Allier en passant par la Basse-Marche (le tiers nord de la Haute Vienne), la moitié nord de la Creuse, la pointe sud de la Vienne, de l’Indre, du Cher et l’extrémité nord du Puy-de-Dôme. Cette langue est donc parlée en dehors des limites de l’ancienne province.

● Michel Banniard, professeur à l’Université de Toulouse-Le-Mirail et directeur
d’études à l’Ecole pratique des hautes études, appelle marchois « les parlers de la zone occidentale de l’aire de transition finale du limousin au poitevin et au berrichon et de l’auvergnat au bourbonnais, désignée du nom un peu étrange de "Croissant" [32] ». Pour lui, la référence "marche" possède l’avantage d’évoquer une zone de contact qui repose « sur une assise historique et institutionnelle ».

● L’ouvrage collectif dirigé par Christophe Matho intitulé Patois et chansons de nos
grands-pères marchois, est justement « centré sur l’unité linguistique qui existe de Bellac à Montluçon, à cette langue différente de l’occitan et du français qui existe dans ce secteur, dans cette largeur pour être exact [33] ».

● Cette description recoupe celle établie au XIXe siècle par l’abbé Jean-Pierre
Rousselot qui fut l’inventeur de la phonétique expérimentale, président de la Société Linguistique de Paris, fondateur de la Revue de phonétique et professeur au Collège de France. « Son parler maternel fut le dialecte marchois, situé sur la limite entre les parlers gallo-romans du nord et du sud. Avec son père, il parle français » lit-on dans la revue Orbis [34].
En dehors de sa Charente natale dont une partie parle marchois, il cite aussi « en Poitou, Availles, Millac, Moutère, Luchapt, Asnières, Saint Brabant ; dans le Berry, Saint-Benoit-du-Sault et ses environs ; dans la Marche, Le Dorat, Lussac-les-Eglises, Arna, Saint-Sulpice-les-Feuilles, La Souterraine, Dun-le-Palleteau, Guéret, Noant, Chatelus, Ladapeyre, Boussac ; dans le Bourbonnais, Domérat, Montluçon, Commentry, Montvicq, Saint-Bonnet de Rochefort, Ganat, Mayet-d’Ecole, etc. [35] ».

Redecoupage des regions quelles perspectives pour les Marchois es 10

● Ernest Négre, qui a publié entre 1990 et 1998 la Toponymie générale de la France, est aussi connu pour son engagement puisqu’il fut professeur de littérature occitane et directeur du collège d'Occitanie à Toulouse. Ce spécialiste de la toponymie [36] place des communes situées dans le Croissant marchois (Basse Marche, moitié nord de la Haute Marche, sud de l’Allier) en « pays d’oïl ».

● Nous avons vu que Frédéric Mistral, né en 1830 dans les bouches du Rhône,
poète provençal et défenseur de l’identité méridionale, considérait qu’au nord-ouestde Limoges, dans les Monts de Blond, se situait la limite oc/oïl. Le Félibrige est à l’origine une association à vocation littéraire fondée en Provence en 1854 par Mistral et ses amis. Cette association a aujourd’hui pour objectifs la sauvegarde et la promotion de la langue et de la culture des pays d’oc. En 2012, le journal la Revisto faisait état de la randonnée organisée par le Félibrige du Limousin dans les Monts de Blond avec comme objectif la plaque qui commémore le centenaire de la naissance de Frédéric Mistral. Celle-ci « rappelle que là se situait la limite entre langue d’Oc et d’Oïl, pays de droit écrit d’une part et pays de droit coutumier d’autre part [37] ».

● Même constat au XXe siècle pour Marcel Villoutreix, spécialiste de la toponymie
limousine : « en ce qui concerne en particulier la Haute-Vienne, il faut noter que ce département est traversé entre Bellac et Le Dorat par la limite nord du domaine occitan. Au nord de cette limite, la région qui a été appelée Basse Marche constitue une zone, dite « croissant », où se mêlent des traits appartenant à la langue d’oc et à la langue d’oïl [38] ».

● En 1809, parmi les quinze versions de la Parabole de l’enfant prodigue de la Haute
Vienne collectées dans le cadre d’une enquête sur tout le territoire de l’Empire, quelques-unes concernent la Basse Marche. Des commentaires les accompagnent. Concernant la langue parlée au-delà de la Gartempe en Haute-Vienne dans l’arrondissement de Bellac (Basse Marche), les enquêteurs ont identifié deux types de langage. Si le premier, au sud de cet arrondissement, est défini comme étant limousin, le second, plus au nord, qui n’est à l’époque pas nommé mais que l’on sait maintenant être marchois, « s’éloigne plus ou moins du véritable patois limousin et se rapproche du français. ». Cet autre langage diffère du limousin « en ce qu’il est  composé d’un plus grand nombre de mots absolument français, en ce qu’il n’admet pas d’autres sons que ceux usités dans la langue française et enfin en ce qu’on netrouve pas dans ce langage aucune trace de l’accent limousin [39] ».

● Le Creusois Jules Marouzeau fut linguiste, directeur à l'École des hautes études,
professeur à la Sorbonne, élu à l’Académie française et président de l’association des Creusois de Paris. Il se souvient du passage dans son village (Fleurat) des charcutiers du canton sud, celui « qui touche au Limousin ». J. Marouzeau, encore enfant, les voit comme des « hommes étranges, qui parlaient un autre patois que nous » et qui « racontaient des choses incompréhensibles dans une langue où tintait les nasales [40] », ce qui confirme l’absence d’intercompréhension, maintes fois constatée, entre le marchois et l’occitan limousin.

 

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