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Création : jeudi 1 décembre 2016 15:40
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Marie-Christine Dhéron, premier prix au concours de Contes Poétiques organisé par l'association EUROPOESIE

Marie-Christine Dhéron
premier prix au concours de Contes Poétiques
organisé par l'association EUROPOESIE

 

Marie-Christine Dhéron, une Creusoise et adhérente de notre association vient d'obtenir un premier prix au concours de Contes Poétiques organisé par l'association EUROPOESIE et parrainé par l'UNICEF. Elle a reçu de prix à la Mairie du 9ème à Paris ce 22 novembre 2016.

Elle vous fait partager cet honneur en vous présentant son texte et son enregistrement qu'elle a fait pour un ami mal voyant:

 

Texte PREMIER PRIX CONTE POETIQUE concours EUROPOESIE parrainé par UNICEF novembre 2016 : l enfance : aide et protection Auteur : MARIE CHRISTINE DHERON Limoges

 

Lourdes les grilles… Grilles qui se heurtent, grincent, transpercent le ventre, la tête, le cœur.

Lourds les pas qui se traînent, s’agitent, courent, se heurtent, transpercent sa tête, son ventre, son cœur.

Lourde la porte aux ferrures pesantes... Lourdes les armes… Les grilles....

Lourd il s’avance… Vieillard tout de blanc vêtu au regard lointain marqué par les violences, la folie, les haines, les guerres.

Lourd ce bruit de chaînes que ses mains tiennent, que ses pieds traînent.

Lourdes les grilles qui s’ouvrent, se referment, s’ouvrent encore et se referment contre l’homme enfoui dans son passé d’amours, de haines, d’orgueil, de sang, de chaînes, de grilles…

Légers ses pas fuyant ces grilles, ces geôles, caché derrière le boubou multicolore, lui, si petit, effarouché, perdu... Lui et ses yeux de faon qui s’égarent encore dans le lointain de la brousse où la madone s’échappait le portant contre elle, de villages en villages, de cases en cases... Lui, poursuivi par la violence, l’amour, la haine, le sang… lui, l’enfant, le faon… Et cet adieu à ce vieillard en blanc, vêtu de chaînes et de grilles… Cet autre lui, son père... Plus jamais.

Plus jamais cette natte où il s’endormait en rêvant au gorille aperçu dans une cage, à son regard éteint sur les oiseaux et baobab... Marmite de riz renversée sur la terre rouge... Des cris, du sang, des fuites, des grilles.

Des grilles, encore et encore, des fuites, encore et encore, des marches, encore et encore... Avions, tarmacs, ciel gris, chaleur lourde et parfumée… Puis ce froid, ces senteurs se traînant dans l’oubli, s’égarant dans la crasse d’un métro, d’un trottoir ; pluie qui suinte au-delà du train, arbres inconnus, piquant du gel… Un chemin, une grille… Et puis deux… Une cour d’école, des voix qui l’entourent, l’encerclent, le dévisagent, l’étranger, l’inconnu, le nouveau… Lui, la petite bête fauve aux yeux de faon venue d’ailleurs, lui, petit prince sans couronne à peau d’ébène. Lui... Seul dans ce cercle qui l’enserre... Les grilles, la cage de corps, de cris, de silences, d’incompréhension… Eux, leurs cartables jetés çà et là. Eux et leur cruelle curiosité.

Puis… Enfin... Cet autre, ce différent, celui, qui n’a peur de rien et surtout pas de l’inconnu, de ce faon aux yeux d’onyx, cet autre dont le cœur est une main tendue, cet autre qui n’est pas un autre, et brise le cercle de cris, de corps, de silences, d’incompréhension, Lui qui s’approche, sourit, lui sourit, simple enfant, juste un enfant face à l’enfant, yeux d’outre-mer, cœur océan… Un mot, juste un mot comme une source, une fleur échappée d’un désert : « Salut » et ses verbes qui jaillissent en écho : « Je viens de loin, je viens d’Afrique, veux-tu être mon ami ». Ce oui en cascade, ces paumes qui se joignent et résonnent, blanches et noires, sourires, rires, échappées libres dans le cercle qui se brise, s’échappe, s’enfuit, se transforme... Entrez dans la danse… Plus de chaînes… Juste un rire... Une échappée belle, une échappée reine, l’âme en écharpe serrée contre sa vie, les grilles d’un vaste parc ombragé d’amour… Des grilles encore et encore mais qui s’ouvrent, cliquent sur des rires en goguette, des passagers d’enfance…

Frères à jamais… frères à toujours.