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Catégorie : - Histoire, Patrimoine, Sites, Tourisme
Publication : jeudi 31 janvier 2008 21:14
Écrit par Georges Delangle
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LE BASSIN HOUILLER DE BOSMOREAU-LES-MINES

01 puits MartheDes mineurs avant la descente dans le puits Marthe, vers 1890

Gilbert Coudert (?et Jean-Marie Sachet?) ont évoqué les mines de Lavaveix dans un autre articles "LAVAVEIX-les-MINES Quand le charbon était l’or noir". Des mesures viennent d’être prises pour préserver et mettre en valeur une partie de ce patrimoine creusois.

Un deuxième bassin houiller a été exploité dans la Creuse , pendant près de deux siècles, de 1784 à 1958, à Bosmoreau (le bois de Moreau), qui deviendra en 1905 Bosmoreau-les-Mines.

Le charbon avait été découvert en 1765 près du village de Chez Lameix. La concession sur laquelle des recherches avaient été effectuées s’étendait sur 1000 hectares (la surface du lac de Vassivière), dont seule une petite partie fut exploitée (près de 80 hectares). C’était le plus à l’ouest de tous les bassins miniers français.

L’extraction fut souterraine, avec des puits et des galeries, jusqu’en 1945, à ciel ouvert de 1946 à 1952, enfin mixte, c’est-à-dire à la fois souterraine et à ciel ouvert de 1953 à 1958.

Au cours de l’extraction souterraine, il y eut au maximum 25 puits. Le plus important, le puits Marthe[1], il était situé sur le site de la Lande, du côté ouest du bassin, non loin de la gare actuelle. D’une profondeur de 123 m, le charbon était remonté grâce à un chevalement en bois actionné par une machine à vapeur. Exploité de 1859 à 1922, sa production a dépassé un million de tonnes.

02 chevalementLe chevalement en bois

 Le plus profond, le puits d’Anzin, descendait à 235m. Une chaleur humide de 50 à 60 degrés régnait dans les kilomètres de galeries.

Le charbon était de l’anthracite de très bonne qualité, avec un pouvoir calorifique élevé. Il approvisionnait les papeteries des frères Montgolfier dans l’Isère, les fours à porcelaine de Limoges, les fours à chaux d’Angoulême, ainsi que des cimenteries et des verreries dans toute la France. On fabriquait aussi des boulets pour l’usage domestique.

On estime que le quart du charbon seulement a été extrait (913 000 tonnes de 1913 à 1958) et qu’il en reste encore 7 millions de tonnes. Qui sait si ce combustible ne sera pas utilisé plus tard ?

04Pendant un siècle, le transport s’est fait à l’aide de tombereaux. Il était lent et coûteux, ce qui limitait la production et les ventes.

Tout a changé avec la construction de la ligne de chemin de fer Bourganeuf-Vieilleville. Trois tracés avaient été prévus. Martin Nadaud raconte comment, après de véhémentes discussions avec le ministre des Travaux Publics et le directeur des Chemins de fer, il obtint que le tracé retenu fût celui qui desservait les mines de Bosmoreau.

La ligne fut construite de 1881à 1883. Pour la petite histoire, sachez que le tenancier d’un débit de boisson avait demandé de retarder, pendant la durée des travaux, la fermeture de son établissement jusqu’à 23 heures. La municipalité refusa cette heure tardive, mais prolongea cependant l’ouverture jusqu’à 22 heures.

Un an plus tard, un branchement direct arrivait au cœur de la mine.


 

[1] - Dénomination des puits : Marthe était le prénom de la fille d’un directeur et Anzin le nom de la ville natale d’un autre (ville minière du nord de la France).


.../...

Jusqu’en 1914, six navettes quotidiennes transportaient le charbon, ainsi que les voyageurs et des mineurs. Ultérieurement, avec l’extension de la mine vers l’est, le transport du charbon vers la gare se fit par des camions qui traversaient l’agglomération.

De 1923 à 1934, après l’épuisement du puits principal, une briqueterie remplaça temporairement l’extraction du charbon. Une partie de la cheminée de cette briqueterie, d’une hauteur de 25m (35m à l’origine), est encore visible.

05 chemineeCheminée de la briqueterie

Lorsqu’en 1943 on découvrit, vers l’est, des gisements à fleur de terre, l’entrée du puits Marthe fut recouvert d’une dalle et servi d’aire de lavage aux camions de la T.S.E.[1] qui amenaient le charbon du site d’extraction de Chez Lameix au site de traitement de la Lande.

06Le puits Marthe

En 1868, un géologue aurait déjà dit qu’on avait du charbon, sous les pieds, et ce sont des scouts, dit-on également, qui auraient été à l’origine de cette découverte. Le gisement se trouvait à quelques mètres du sol, et l’effleurait parfois (jusqu’à à 60 centimètres). On pratiqua alors l’exploitation à ciel ouvert, la première en France.

Cinq sites de production furent ouverts dont l’un de cinq hectares. De gigantesques pelleteuses extrayaient le charbon qui était remonté par des camions et stocké dans des trémies. Puis des galeries inclinées, appelées descenderies, partirent de ces sites : l’extraction devint donc mixte, à la fois à ciel ouvert et souterraine. (voir photo page4)

L’artisan de cette renaissance fut Vincent de Montgolfier, qui, de plus, s’intéressa à la petite cité en faisant installer le chauffage central dans la mairie et les écoles, construire un stade, une bascule, édifier la place de la poste.

La mine fut fermée le 1er avril 1958, non à cause du manque de charbon, mais à la suite de la mauvaise gestion de l’entreprise qui l’exploitait, et qui fut mise en faillite. 117 mineurs se trouvèrent sans travail.

Le maximum de 359 mineurs avait été atteint en 1951. Certains habitaient avec leur famille dans deux cités, les Grandes et les Petites Casernes, les autres se logeaient dans toute la région, en particulier à Saint-Dizier-Leyrenne et à Bourganeuf.

Chaque année, le 4 décembre, Bosmoreau fête la Sainte Barbe, patronne des mineurs, des pompiers et des artificiers, au cours d’un repas où se retrouvent les anciens mineurs, hélas de moins en moins nombreux.

Après la fermeture de la mine, les sites à ciel ouvert furent rapidement transformés en lacs, qui appartiennent aujourd’hui à des propriétaires privés.

A l’initiative et sous la direction de M. Daniel Boueyre, maire de la commune, un musée a été installé dans les anciens locaux de l’école.

 07 mairie ecoleL’élégant ensemble de la mairie et de ses écoles

Très bien conçues par Mme Liliane Spinger, première adjointe, sept salles d’exposition retracent les deux siècles d’exploitation de la houille. Des documents, panneaux explicatifs, photos, outils, matériels divers, illustrent les différentes périodes de l’exploitation ainsi que le travail et les conditions de vie des mineurs (Le premier métier de France, dit une affiche !).

Une salle de maquettes permet aux visiteurs de visualiser l’activité de la mine à différentes époques de son exploitation.

[1] - Compagnie des travaux du Sud-Est, propriétaire de la concession de 1951 à sa fermeture en 1958.


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 08 maquettePartie d’une maquette représentant la mine en 1905

La vie sociale du mineur et de sa famille n’est pas oubliée puisque la cuisine d’une cité minière est reconstituée et que la visite se termine agréablement dans une salle de classe des années 30 qui accueillait les enfants des mineurs (et les autres).

09 ecoleLa présentation de ce musée est remarquable, ainsi que les explications du guide, M. Michel Champeau, indispensables pour donner une vision à la fois globale et détaillée de cette partie du patrimoine creusois.

Il est d’autre part possible de visiter les vestiges des sites évoqués. Deux circuits fléchés, jalonnés de panneaux explicatifs, sont proposés, l’un de deux kilomètres, l’autre de cinq, avec possibilité de pique-niquer.

10L'ancienne gare

 Leur point de départ est la gare de Bosmoreau, aujourd’hui désaffectée car la ligne de chemin de fer ne fonctionne plus. Cette gare a été récemment entièrement restaurée, ainsi que l’abri de voyageurs et les toilettes publiques en respectant le style et l’aspect extérieur de cette fin du XIXe siècle, ce qui a donné lieu à une inauguration solennelle. Elle est occupée par une famille avec des enfants.

Près de la ligne de chemin de fer est exposée une petite locomotive diésel (type Decauville) avec ses wagons nommés berlines, qui servaient, les uns à transporter des rondins pour étamper les galeries, les autres pour ramener le charbon.

Nous avons visité le musée en août dernier. Nous étions d’autant plus intéressé que nous avions enseigné pendant trois ans à Bosmoreau-les- Mines au moment de l’exploitation à ciel ouvert et que nous y retrouvions quantité de souvenirs.

11locomotive diésel (type Decauville) avec ses wagons nommés berlines

C’était alors un petit bourg très animé. La rue principale était jalonnée de commerces et d’ateliers d’artisans de toutes sortes. On y trouvait plusieurs cafés et restaurants, un hôtel, deux épiceries, deux marchands de vins en gros, une boucherie, une boulangerie, un tailleur, un coiffeur, un maréchal-ferrant, un ébéniste, un tourneur sur bois, un garagiste, sans compter l’exploitation d’une carrière toute proche et d’une ligne d’autobus (Bourganeuf - Bosmoreau – Guéret), et aussi la poste, l’école à trois classes, les bureaux de la mine, une équipe de foot-ball et une petite troupe théâtrale.

Le va-et-vient des camions entre la mine et la gare commençait tôt le matin et se terminait tard le soir, mais personne ne s’en plaignait car toute la vie locale dépendait de la mine.

D’autre part, la direction subventionnait des activités culturelles et sportives. L’équipe de foot-ball dont nous étions le capitaine était une bonne équipe car elle bénéficiait de ces largesses et de l’apport de footballeurs travaillant à la mine. L’équipement des joueurs reflétait cette contribution : maillot noir et culotte noire (comme les All Blacks, sauf pour le gabarit !)

Aujourd’hui, l’aspect de Bosmoreau est tout autre. Comme dans beaucoup de localités, il n’y a plus d’activités dans ce petit bourg propret et agréablement fleuri, pas même un café. Si : à l’accueil du musée, un bar, rappelant un estaminet de mineurs, permet aux visiteurs de se rafraîchir avant ou après les visites. Heureuse idée !


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12 rue principaleLe début de la rue principale, mais les barrières ne s’abaissent plus

En sortant de la salle de classe reconstituée, nous avons eu la surprise de découvrir une photo qui a matérialisé nos souvenirs : celle de votre serviteur avec ses élèves !

Et fait du hasard : la charmante petite cité des Combrailles dans laquelle nous avions enseigné avant d’être nommé à Bosmoreau, Chambon-sur-Voueize, était elle aussi toute proche d’un centre minier : celui des mines d’or du Châtelet.

13 vue aerienneVue aérienne de Bosmoreau-les-Mines, prise du sud-ouest Le bourg s’étire le long de sa rue principale. A gauche, on distingue la voie ferrée, tout près de la gare non photographiée. Au fond, dans l’angle gauche, le bord de l’ancien bassin houiller. A droite du bourg, sous les frondaisons, les méandres du Thaurion.
Tirée de l’ouvrage La Creuse à tire d’aile de Robert Guinot et Michel Berger (2e édition Berger M. - 2002)


14vue aérienne de la mine à ciel ouvert

Les illustrations ont plusieurs origines :

J’adresse mes remerciements à MM. Boueyre et Champeau qui, après la visite du musée, ont bien voulu m’apporter les compléments d’informations que je souhaitais.

Georges Delangle

janvier 2008